mercredi 11 janvier 2012

A-propos de la francitude

Je suis français voilà ma gloire
Mon espérance et mon soutien
Imitez-moi donc sans histoire
Car tout autre choix ne vaut rien


Le Français de gauche lui-même, élevé à l'écart de toute obédience religieuse ou délesté de celle-ci, a pour péché mignon de se croire dépositaire d'un  paquet-cadeau de valeurs forcément universelles qu'il se doit de livrer franco de port à ceux qui, hors circuit,  ne l'ont pas encore  reçu.
Belle naïveté ou indécrottable arrogance ?
Si on essaie de le persuader, ce Français-là "de bonne volonté",  que les pays maghrébins, au premier chef la Tunisie, ont en eux-mêmes les moyens d'inventer une démocratie musulmane, comme nos chers conservateurs ont inventé une démocratie chrétienne, il hausse vigoureusement les épaules : « Comment diable une démocratie pourrait-elle être musulmane ? C'est une alliance de mots ! »
Par ailleurs, il veut ignorer que la laïcité à la française – depuis à peine plus d'un siècle -  constitue bel et bien une exception mondiale, au terme d'une longue et très difficile conquête. Or, sa nécessité – quoique absolument évidente pour moi-même – n'a jamais été démontrée nulle part ailleurs et donc demeure largement incomprise – en particulier aux USA, pour ne citer qu'un exemple massif à l'intérieur du christianisme.
Chrétien "dans l'âme", quoique le niant, ou l'oubliant, le petit Français de gauche rêve d'un irréalisable Arabe qui ne serait plus musulman, plus du tout, d'aucune façon. En vérité,  il est incapable de sortir de son territoire, sauf pour se muer en touriste friand de musées, de monuments et de paysages. C'est dire que, sur le plan politique, il marine volontiers dans un héritage républicain perçu-vécu comme un modèle, du moins pour ce qui est de l'organisation des rapports Etat - Religion.
Au total, arrogance et naïveté sont en lui indissociables, recto-verso d'une médaille en chocolat, celle d'une Francité Universelle qui coulerait de source thermale, celle des "Libres Penseurs", souveraine pour laver l'intellect de ses scories congénitales. Cela empêche-t-il de s'extasier devant l'élan d'une cathédrale, le souffle du chant grégorien, la splendeur d'une Visitation, etc ? Mais foin de la mosquée et de la musique andalouse, acceptables plus par condescendance "libérale" que par réelle ouverture d'esprit : " Ce n'est pas mal mais…"  Et la peinture ? Où est donc la peinture ? Absente ?
Il va donc se poursuivre, et bien au-delà de nous-mêmes, le match archi-nul du "tout est bon dans le cochon" contre le "rien n'est bon dans le cochon", quel que soit le sujet dont on dispute, chacun restant figé sur ses positions défensives, cependant que l'Histoire redistribue tragiquement les cartes.

Que ce Français-là, "mon semblable, mon frère", le conçoive ou non, nous devons placer nos espoirs – au moins de bon voisinage, de bon commerce – dans la mise en place politique, de Rabat à Médine, d'un Islam divers mais partout modéré, tolérant, ouvert, qui mérite qu'on le respecte, même si l'on conserve, chevillée à l'esprit – et c'est mon cas -  la conviction intime que "la religion est l'opium du peuple" et que sa consommation éventuelle devrait exclusivement relever de la conscience privée.
L'essentiel est que ses fumées se diluent dans l'azur d'une démocratie plurielle, sans plus enténébrer qu'une secte résiduelle de drogués, aussi bien chez les musulmans que chez les juifs et les chrétiens.
A maintenir une attitude inconsciemment – innocemment ? -  coloniale, nous faisons malgré nous le jeu des intégrismes .
Et Dieu, dans tout cela ? S'il existe, je le vois se frotter stupidement la barbe, éternelle victime de la maladie de Aldsheimer.